L'ÊTRE ET LE NEANT
L’ÊTRE ET LE NEANT
Par Eric JACOBS
I - LA RENCONTRE
Ç’aurait pu être n’importe où,
N’importe quand,
Un jour,
Une nuit ;
Ç’aurait pu arriver à un autre,
Un homme,
Une femme…
Mais cela se passa un matin,
Dans mes toilettes.
J’étais en train de me soulager d’un besoin naturel digestif,
Lorsqu’une voix me sortit de cette torpeur
Dans laquelle je me plonge douillettement
En cet endroit.
Cette voix me posait une question,
Fort banale au demeurant ;
Mais quand-même,
Etait-ce bien le moment et l’endroit ?!
Je devrais rectifier,
Pour être parfaitement honnête,
Le début de cette histoire
Que je suis fermement décidé à vous narrer
Dans son intégralité,
Car de voix il n’y avait point…
Je ressentais, en réalité,
Plutôt que n’entendais,
Cette voix que je ne saurais nommer autrement,
Puisqu’elle me parlait,
Et que, finalement, je lui répondais!...
- Salut à Toi, l’Être !
Te voilà donc, en ce nouveau jour, vêtu de ta nudité natale.
Quel endroit bizarre
Que ce cabinet
Où tu viens pour t’assoir…
Bien sûr, je me crus fou,
Où en passe de le devenir.
J’entrouvris furtivement la porte de l’endroit,
Bien m’assurer qu’aucun farceur ne se cachât derrière.
Evidemment, personne !
Qui cela aurait-il pu être, d’ailleurs ?...
- Je conçois, l’Être, ta surprise,
Mais va ! J’ai tout mon temps, Si je puis dire.
- Ça y est !... Je suis en plein cauchemar…
Il faut que je me réveille !
- Arrête ! Tu sais très bien que tu ne dors plus !
Tu fais la bête ! …
Remarque, hier encore,
N’en étais-tu pas une ?
- Ah, ça, non ! Hier autant qu’à ma naissance,
J’étais un Homme.
Je SUIS un Homme !
- Je suis… je suis… Que d’imbécilités contenues en ces mots.
ÊTRE, AVOIR et JE : Le mal de l’Être
- Mais enfin… Qui parle ?
- Quelle importance, si tu entends
Et si, surtout, tu comprends mes mots,
De savoir qui je suis.
Et d’ailleurs, suis-je vraiment ?
Y-a-t-il, près de toi, âme qui vive ?
- Assurément, non ! Il n’y a personne !
- Tu es, vois-tu, l’archétype de l’ETRE.
Je t’observe depuis que tu existes ;
Incrédule et suffisant, tu te crois l’unique conscience
Existant en ton monde.
N’est-ce pas pure prétention, que cela ?
- Quand bien même cela serait prétention, je suis bien la seule conscience terrestre.
Les animaux ni la végétation ne savent réfléchir ni n’émettent de pensées. Je suis en quelque sorte, LA créature divine. A défaut d’être Dieu lui-même ou l’Elu, je suis l’Être, celui qui contrôle tout en ce bas Monde.
-Tu n’imagines pas à quel point je suis heureux de te parler, ce matin. Quel plaisir pour moi ! Depuis des lustres, je n’avais tant ri. Si la Terre est bien ronde, son nombril est petit ! Je ne suis rien, décidément, face à toi.
- Evidemment, tu n’es rien ! Puisque je suis seul ici, comme face au néant.
- Ah ! Ah ! L’Être… Tu brûles. Tu viens de prononcer mon nom.
- J’ai dit ‘’… face au néant.’’ ; Ainsi tu serais le Néant ?
- Eh oui ! L’Être. Je suis bien le Néant.