A L'OMBRE DE MES INSOMNIES

Publié le par Tonton Ric

A l’ombre de mes insomnies,

Je pense à toi,

Mon Père,

A ta vie,

Tes espoirs, tes échecs.

Je nous revois,

Moi l’enfant assis sur les marches du perron

A l’entrée de notre maison,

Toi, l’Expérience, dispensant ta leçon à ton « petit homme ».

J’entends ta voix,

Je sens encore ton odeur

De cigarette et d’anis mélangés.

Dieu seul sait,

S’il existe,

Combien d’heures tu as passé

A nous enseigner la vie,

Et l’histoire et la géographie,

L’arithmétique et les leçons de choses…

« Dis, Papa… Pourquoi le ciel est bleu ?

Dis, Papa, Pourquoi la mer monte ?... »

Des questions, j’en avais tellement !

Et Tu avais tellement de réponses. Toujours les bonnes,

Les vraies.

Et puis la vie… La chienne de vie…

Cette putain qui se donne au plus offrant…

La vie t’a vaincu, détruit… effacé.

 

A l’ombre de mes insomnies,

Je pense à toi aussi,

Ma Mère,

A tes berceuses

Que j’entends encore,

Parfois,

Et que je fredonne

Lorsqu’il me faut un refuge.

Combien de nuits as-tu passées

A surveiller ma respiration,

A calmer mes douleurs,

A chasser mes cauchemars ?

Combien de kilomètres avons-nous fait

Main dans la main

Pour aller dans la forêt

Jouer et découvrir la nature…

Combien de mûres cueillies dans les buissons ?

Combien d’heures assis près de nous

Pour contrôler nos devoirs d’école,

Ecouter nos récitations,

Calculer les volumes d’eau écoulés des robinets qui fuyaient,

Calculer les horaires des trains qui ne roulaient jamais à la même vitesse ?

Je me souviens de tout…

Puis nous avons grandi comme le font tous les petits,

Nous sommes sortis toujours plus

Et sans toi…

Nous allions toujours au bois,

Mais avec « les copains »

Pour en revenir les genoux couronnés

Et les coudes tuméfiés ;

Et la vie,

La belle vie qui fait quitter le nid

Aux oisillons assoiffés d’aventure

A fini par te laisser

A la maison…

 

A l’ombre de mes insomnies,

Je pense à toi,

L’Enfant que je n’ai jamais eu.

Est-elle un mal ou un bien

Cette non présence à laquelle je me suis habitué ?

Je t’aurais attendu les yeux pleins de soleil

Jusqu’au jour bénit où,

Le cœur chargé de larmes de joie,

Je t’aurais pris dans mes bras pour la première fois.

J’aurais été ton Papa,

Un modèle,

Ta référence,

Ton soutien et ta force ;

Je t’aurais appris la vie,

Le Monde,

Le Ciel et les Etoiles,

Je t’aurais appris Dieu,

Celui qu’on ne voit jamais

Alors qu’il est juste sous nos yeux

A chaque instant ;

Je t’aurais expliqué les choses

Et, toi devenu grand,

Je t’aurais expliqué aussi l’Amour,

Les filles…

Mais la vie,

Cette menteuse

Qui promet à chacun le meilleur

Et ne donne que ce qu’on mérite,

Ne m’a jamais donné d’enfant,

Et j’ai dû t’inventer pour mieux t’abandonner

Lorsque j’ai enfin accepté mon fardeau.

 

A l’ombre de mes insomnies,

Je regarde bouger

Le Monde

Qui s’agite et qui gronde

En pensant qu’aujourd’hui,

Sans savoir tout vraiment de ce qui régit « La Vie »,

J’en connais l’essentiel.

J’ai suivi les trois points

Qui m’indiquaient la voie,

Appris de mes Aînés

A regarder en moi,

Et j’ai compris alors

Mon universalité.

L’Homme seul n’est rien,

S’il ne prend pas conscience

Qu’il est, en lui,

Six milliards.

Alors, il est DIEU.

De la caverne aux cathédrales,

Il construit depuis toujours,

Et l’union des humains

A façonné l’image divine

Dans la sueur et la Fraternité.

L’Homme est la Mosaïque,

Il est Noir et Blanc,

Mal et Bien,

Il est en Haut et en Bas,

Dieu ou Fourmi

Selon sa capacité à cohabiter.

L’Univers a créé la Terre

Et tout ce qui la peuple,

Y croît et prospère,

L’Homme a créé le Monde,

Le Bonheur, la Misère,

La Guerre et la Paix,

Dieu et Satan

Réunis dans ses gênes.

Et la vie,

Cette Promesse

Qui est ma raison d’être

Et m’a permis d’approcher

La Lumière

En découvrant ma Vérité,

A fait de moi celui que je suis,

Ange et Démon

Vêtu d’Humilité,

Individu sans âge

Et sans destin précis

Autre que celui de transmettre le peu qu’il aura appris.

 

©Eric Jacobs-Les Lettres de Sang-samedi 12 mai 2012-17:47

Publié dans Mes Textes Copyright

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
T
Bonsoir Lena, et merci pour ton passage sur mes pages.<br /> Pour la petite histoire, j'ai "pensé" ce texte en dormant. Marie m'a dit que durant la nuit j'avais déclamé des vers pendant environ 10 minutes, et que je répétais au début de chaque tirade :"Dans<br /> l'ombre de mes insomnies...". Dès le matin, après un bon café, je me suis assis devant l'ordi, et j'ai commencé par ces mots "A l'ombre de mes insomnies...", et le reste est venu, disons assez<br /> rapidement, mais pas en vers...<br /> Voilà l'histoire de ce texte.<br /> Bises à Toi, Léna, et à très vite.
Répondre
L
Bonsoir Tonton Ric, voici le retour en écriture ! Magnifique essai poétique que tu nous offres là, un point clair et si humain sur le sens de la vie, dont la lecture nous fait du bien. Merci<br /> beaucoup, bises à toi.
Répondre